On lui avait toujours dit :

“Myrrha, ma petite, tu es exceptionnelle”
“La fierté de la famille”
“La meilleure des petites soeurs !”

Enfant choyée, aimée, jusqu'à se sentir parfois étouffée.
Etouffée par les nombreux espoirs que tous lui portent. Il est si aisé d'oublier que ses “talents” sont le fruit d'un travail acharné.

La nuit, au creux des bras de sa mère, elle écoute les légendes de son peuple.
Récits glorieux d'un clan dont il ne reste plus que des cendres. Elle s'endort le soir en rêvant de pouvoir elle-même chevaucher un jour dans ces plaines, à présent abandonnée aux démons. Elle rêve de devenir celle qui rendra ces terres à son peuple, elle rêve qu'aucun citoyen de l'Empire ne puisse ignorer l'existence du clan du cheval. Elle s'imagine, félicitée en personne par l'empereur.

Car Myrrha n'est-elle pas une petite fille exceptionnelle ? On le lui répète si souvent, après tout.
Alors c'est décidé : quand elle sera grande, ses exploits seront tels que plus personne n'ignorera le nom du clan du cheval.
Et le sien, par la même occasion.


Alors petite Myrrha se tue à la tâche, ses efforts et sa vivacité d'esprit sont soulignés. Elle part à peine pubère apprendre le métier de maréchal-ferrant auprès de son grand-père, très respecté dans ce domaine, espérant y acquérir une certaine renommée.

Mais est-ce là vraiment suffisant ?

Cantonnée au service d’un maître, Myrrha prend conscience d’être condamnée à demeurer dans son ombre. Son nom finira tout au plus par être reconnu par les autres maréchal-ferrants, et les quelques nobles particulièrement intéressés par le soin donné à leurs montures, mais jamais plus.

Mais Myrrha veut plus. Myrrha envie les nobles, l’aura qu’ils dégagent, cette luminescence. La seule capable de tarir sa soif d’ambition.

Confiante, elle part pour l’académie, y soumet son dossier.
Refusée.
Pourquoi ?

Myrrha a toujours travaillé, elle possède tant de compétences. Elle a toujours réussi ce qu’elle entreprenait, quand il fallait être la première de sa petite école de campagne, la meilleure tireuse à l'arc de la famille, ou un maréchal-ferrant très prometteur.
Et pourtant, la voilà incapable de rentrer à l'académie.

Les semaines passent, et Myrrha ne résout pas à quitter Vyléria, terrifiée à l'idée de l'aveu de cet échec cuisant auprès de ses proches. Dans un état pitoyable, la jeune fille se contente d'occuper quelques emplois alimentaires pour survivre.

“Ils cherchent un nouveau maréchal-ferrant à l’Académie et…”

Au détour d'une taverne, Myrrha s'est trouvée une nouvelle motivation. L’opportunité rêvée de se rapprocher de son objectif, de peut-être combler les lacunes théoriques dont elle a pu souffrir.

Le point de départ d’un nouvel espoir.

Myrrha est embauchée. Mais quelque chose d'étrange grandit en elle.
Myrrha se sent… dualle. Sans l’expliquer, quelque chose de différent semble exister en son sein.
Elle se dit qu'il ne s'agit que de son imagination, quand une voix se fait entendre.

“Qui êtes-vous ?”

Une question sourde, posée à son subconscient, presque convaincue qu'elle devient folle.

Mais il finit par lui répondre.  
Voilà que Myrrha est devenue l'avatar d’une divinité, incarnation de chair et mortelle de cette dernière, qui a élu domicile au creux de sa conscience.

L'ultime preuve, se persuade-t-elle, qu’elle ne peut effectivement qu'être exceptionnelle.

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