L'Académie d'Aelyria forme l'élite de la nation à un avenir radieux, et ce depuis des générations. Antre du savoir et de l'excellence, passez ses portes et embrassez votre destinée parmi les plus hautes sommités de l'Empire. Mais gare, à l'Ouest, l'ombre des Terres Sombres s'étend et menace l'Humanité. Saurez-vous vous dresser face à cet ennemi mystérieux ? Assumerez-vous la grandeur de votre nom ? Le monde pourrait bien en dépendre.
Dès le petit matin, la créature de la nuit avait pu observer le petit personnel se mettre en route dans les jardins, installer tables, bancs et toiles pour préparer le banquet du soir même, une petite relâche accordé à l'ensemble du complexe pour célébrer l'arrivée des beaux jours. Un fin sourire sur les lèvres, elle contemplait leurs petites mains s'affairer dans une précipitation propre aux mortels habitant ce monde. Il est bien évident que s'éteindre avant un siècle, ça ne laisse guère de temps. Mais, les humains n'en restent pas moins une espèce intéressante car si leur vie est des plus courtes, il la passe à courir après des rêves inatteignables, à tenter de marquer l'histoire ou encore simplement, survivre. Un sourire ingénu gravé sur le visage, elle quitta son poste d'observation pour elle même commencer à travailler, en pensant déjà au détour qu'elle ferait le soir même avant de participer aux festivités. Il lui faudrait se montrer sous son vrai jour et non sous celui d'un corps qui n'était pas vraiment le sien quand bien même il restait tout à fait convenable.
Alors qu'elle avait encore sous les doigts la sensation des os qui se brisent et des trachées qui éclate, alors qu'elle avait encore aux lèvres le goût d'une collation sanglante qui lui permettrait de conserver son véritable visage au moins jusqu'au petit matin, la surveillante rejoint d'un pas léger tout le petit monde réuni dans les jardins, elle salue quelques têtes blondes qu'elle reconnaît ou qui lui demandent trop souvent de l'attention. En sachant que demander l'attention d'un surveillant est rarement bonne chose, elle ne manquait pas de leur adresser en plus de son avenant sourire, un regard des plus appuyés, les enjoignant à rester tranquille ce soir et à gentiment profiter des festivités aux côtés de leurs camarades.
Quand bien même la nourriture humaine lui faisait le même effet que de mâcher un vieux bout d'écorce, elle picora ça et là, accompagnant ce petit voyage culinaire d'un godet de vin - strictement réservé aux personnel - Elle n'en ressentait pas non plus tant que cela le goût, mais l'âpreté de ce dernier était comme une caresse à son palais, un peu comme si quelqu'un était venu le lui chatouiller. Elle prit le temps de discuter avec ses comparses et collègues enfin, avec les moins récalcitrants à accepter son statut ainsi que son contrat au sein de l'académie quelque peu particulier. Si certains désapprouvaient qu'on lui laisse tant de liberté au point qu'elle puisse parcourir les sentiers à visage découvert, d'autres de manière très étonnantes l'avaient simplement acceptée comme une nouvelle collègue sans fioriture des réactions diverses qui l'avait poussée à se montrer très curieuse et parfois envahissante à l'égard de certains.
Une fois faussement repue, elle dirigea ses yeux vers les groupes d'élèves qui s'étaient formés ça et là autour de la piste de dance, discutant, buvant et mangeant avec plus ou moins d'entrain. Son manteau flottant derrière elle d'une manière presque irréelle, elle prit place sur l'un des bancs, là où se trouvait l'ombre d'un imposant gaillard qu'elle avait eu le loisir de rappeler à l'ordre à plusieurs reprises. Cependant, elle ne resta guère statique et se redressa instantanément en lui adressant un sourire, pour faire quelque pas, s'éloignant un peu de la tablée pour rejoindre une tête blonde à la posture guindée et à l'air blasé par la situation.
"Et bien, comme c'est inattendu, la préfète d'Elderia qui se cache. Souriez donc, on est jamais vraiment complètement en tenue sans ça, hm."
Sans demander l'avis de l'intéressée, elle prend place près d'elle.
"Alors, dîtes moi, que nous vaut ce visage tout joyeux et cette posture qui transpire l'envie de faire la fête ?"
L'heure est à la fête et pourtant, seule dans son coin, Lucifer arbore une expression si solennelle qu'on pourrait croire que quelqu'un est mort.
Le rythme de l'Académie est pour beaucoup presque insoutenable et l'annonce d'une fête d'été pour les élèves et le personnel fut chaudement accueillie. Enfin un jour de repos, enfin une soirée de récréation. Le petit monde s'était agité pour mettre en place au plus vite toutes les préparations nécessaires à la fête et comme à son habitude, Lucifer n'avait pas manqué de prêter main forte. Pourtant, maintenant seule dans son coin, on ne peut pas s'imaginer qu'elle s'amuse beaucoup.
C'est que Lucifer est serviable mais festoyer n'est pas vraiment son genre. Il faut avouer que c'est peut-être la première fois qu'elle participe réellement à une de ces célébrations depuis son arrivée ici. En cinq années pas le moindre écart à sa vie disciplinée, en cinq années pas le moindre moment de détente. Et ce soir n'est pas une exception. Seule dans son coin, Lucifer reste interdite face à l'ambiance joyeuse.
Elle n'est pas plus apprêtée qu'un autre jour, pour tout dire, elle l'est même moins que d'habitude. Sans son uniforme complet, vêtue simplement d'un haut blanc, une veste brune qui couvre ses bras mais pas son ventre, une jupe de la même couleur et sans son chapeau signature, Lucifer se sent presque nue. Bien sûr, sa tenue d'entraînement laisse rarement place à l'imagination quant à son corps musclé mais féminin, mais ce n'est pas la même chose. Tous les autres ont essayé de se faire un peu plus soignés, mais Lucifer ne s'y connaît pas en la matière. A vrai dire, elle n'a pas de beaux vêtements. Un ruban noir orne ses cheveux clairs en un petit nœud, mais c'est là que s'arrête son élan de coquetterie. L'avatar est une belle femme mais elle est plus habituée à avoir de la boue sur les mains que du rouge sur les lèvres. C'est quelque chose qu'une fille d'un trou paumé ne peut pas comprendre. Seule dans son coin, Lucifer jalouse silencieusement les autres.
Ils tournent, mangent et dansent. Et Lucifer reste de marbre. Elle ne peut pas manger -ou plutôt s'empiffrer dans son cas- au risque de tâcher son haut immaculé. Et elle ne sait pas danser. Pas que quelqu'un veuille danser avec elle. Un physique élégant mais terni par l'amicalité d'un rocher. Pour beaucoup, Lucifer a autant de personnalité qu'un bout de bois. La préfète n'est pas indifférente, elle est simplement peu expressive. Elle est plus douée avec les enfants ou les animaux, contre toute attente. Elle est protectrice, affectueuse, parfois même joueuse. Mais ici, Lucifer est simplement l'image de la discipline, de l'élève modèle qui ne pense qu'à sa réussite. Seule dans son coin, Lucifer fait uniquement son devoir et surveille à ce qu'il ne se passe rien d'imprévu.
Et bien, comme c'est inattendu, la préfète d'Elderia qui se cache. Souriez donc, on est jamais vraiment complètement en tenue sans ça, hm.
Ses yeux soutiennent le regard de la surveillante, le bleu d'un ciel calme qui s'oppose à un brasier agité. Normalement, Lucifer aurait probablement à surplomber Freiya de toute sa hauteur pour qu'elles puissent se regarder dans les yeux, mais sous sa forme adulte, leurs tailles ne sont pas bien différentes. Un soulagement pour sa nuque. L'une à côté de l'autre, elles ne peuvent pas être plus divergentes. La brune au sourire presque permanent, toujours en mouvement comme si elle avait le feu aux pieds et la blonde qui ne sourit presque jamais, immobile comme clouée au sol.
Je ne me cache pas, j'évite de barrer le chemin. Ce serait bête de ne pas laisser la place aux autres pour s'amuser après tant d'efforts, non ?
Comme pour suivre le bon "conseil" de Freiya, Lucifer esquisse un sourire du coin des lèvres qui n'atteint pas ses yeux. Plus l'ombre d'un sourire qu'autre chose. Politesse ou sarcasme, qui sait ce que Lucifer pense ? N'importe quelle autre personne serait déjà partie, si déjà quelqu'un avait l'audace de l'approcher, mais Freiya n'est pas n'importe quelle autre personne. Pour une créature de la nuit venue au monde dans des temps immémoriaux, ce n'est pas une petite mortelle au regard froid qui va lui faire peur. Quand bien même la mortelle ne le sait pas. La brune s'installe à ses côtés. Lucifer, plus si seule dans son coin.
Alors, dîtes moi, que nous vaut ce visage tout joyeux et cette posture qui transpire l'envie de faire la fête ?
Rien de particulier, je n'arrive simplement pas à contenir ma joie de vivre.
Lucifer esquisse une demi-seconde un sourire en coin. Oui, elle a fait une blague. Enfin, elle a tenté. Mais même pour elle, c'était un peu trop sarcastique. Aussi vite qu'elle s'est ouverte, son expression se referme et son regarde se pose sur les élèves, les scrutant réellement pour arrêter les éventuels trouble-fêtes.
Je surveille, c'est tout. A vrai dire, je préfère regarder les autres s'amuser.
Une révélation presque triste. Les célébrations au village arrivaient de temps en temps, lors d'une excellente chasse ou pour fêter un anniversaire important. Mais Lucifer avait toujours été de ceux qui aidaient les préparations, remplissaient les bols des plus vieux et veiller sur les petits comme une grande sœur l'aurait fait. Voir les plus jeunes rire et jouer ensemble avait toujours été assez pour elle. Et puis, s'ils faisaient trop de bruit, ils auraient pu attirer les créatures maléfiques ou les humains sans morale ni honneur prêts à les piller de toutes leurs ressources durement obtenues.
Si ce n'était pas pour remplir ses devoirs de préfète -ou du moins ce qu'elle s'imagine être son devoir de préfète-, elle serait probablement entrain de réviser dans sa chambre avant de s'endormir tôt pour bien commencer une nouvelle journée banale et presque insipide. Fort heureusement, Lucifer préfère la cadence infernale des cours et la routine des études au quotidien incertain des terres abandonnées. La discipline que demande l'Académie est bien plus désirable que l'imprévisibilité des dangers d'un monde sans protection. Mais temps que Lucifer est entre ses murs, à donner le meilleur d'elle-même et remplir sa part du contrat, quelqu'un protégera les siens. C'est pour ça que la préfète ne peut se permettre d'échouer ou de lâcher ses études : tant qu'elle excelle, son village sera en paix.
Vous n'allez pas beaucoup vous distraire avec une rabat-joie dans mon genre, Freiya. Je suis sûre que quelqu'un d'autre pourrait égayer votre soirée mieux que moi.
La créature observait le bleu du ciel dans les yeux de son vis-à-vis avec grand intérêt, elle écoute avec attention le flot du sang dans ses veines et calque sa respiration factice sur la sienne sans même y penser. Respiration qui finit saccader par un ricanement fugace. Encore une réaction bien propre aux humains. Cette notion de sacrifice inutile. Je ne m'amuse pas, comme cela les autres peuvent s'amuser plus. Elle aimerait que parfois ces êtres fragiles puisse se rendre compte de toutes les inepties qu'ils sont capables de proférer à la suite sans même broncher. Dévoilant deux rangées de dents impeccablement blanche le Vampire se permet de se pencher en direction de la blonde pour l'observer de plus près, le regard faussement outrée.
"Est-ce qu'un préfet vient d'avouer à un surveillant qu'elle ne fait guère assez d'effort pour seulement prétendre à une soirée de repos, hm ? Voilà qui est bien décevant de quelqu'un qu'on prétend être un modèle de travail et d'investissement. Ou peut-être êtes vous si altruiste que vous pensez le bonheur vous être interdit, ou bien que votre bonheur peut-être repartagé ensuite parmi tout ce petit monde qui en profite déjà bien assez ?"
De belles balivernes à n'en pas douter mais elles avaient au moins le mérite de faire rire la créature de la nuit qui balance sa tête sur le côté comme un enfant face à un trait d'humour qui n'aurait pas du avoir sa place sur le bout de la langue de l'humaine mais qui pourtant était sorti, imprévisible.
"Et bien, qu'est-ce que ce serait si vous arriviez à la dissimuler... Ne dîtes rien, vous imaginer constipée aura répondu à ma question."
Un sourcil arqué, le monstre observe la jeune femme qui prétend surveiller. Elle porte sa main droite contre son propre coeur, s'arrêtant de sourire pour prendre un air offusqué qui s'il est faux n'en reste pas moins des plus convainquant.
"Par les dieux Lucifer, êtes vous en train d'insinuer que mes collègues et moi même manquons d'efficacité dans la tâche qui nous est confiée de vous surveiller ? Pensez vous que nous tolérerions la moindre altercation en cette douce soirée de fête ? A l'aube des beaux jours, rien ne saurait venir perturber la tranquillité de l'événement, du moins pas tant que je serais ici. Alors faites moi plaisir et relâchez vous un peu, hm ?"
Un nouveau sourire trouva sa place sur le visage du prédateur qui laissa retomber sa main contre son flanc. Une lueur maline au fond des yeux, elle incline la tête sur le côté, prenant très à coeur les paroles de cette jeune demoiselle, elle en ferait donc le centre de sa soirée ainsi que sa principale distraction. Et mieux encore, elle tâcherait de l'amener elle aussi à s'amuser quelque peu, à relâcher cette posture si guindée qu'on aurait pu croire qu'elle s'était coincée, quelque chose, quelque part.
"Oh détrompez vous, je pense que vous êtes pour moi ce soir la candidate idéale. Il est aussi de mon devoir de m'assurer du bien être des élèves et je compte bien faire en sorte que ce soir au même titre que les autres vous puissiez vous amuser et vous souvenir de cette soirée."
Elle entreprit une révérence parfaitement dosée, renvoyant l'image d'une noblesse aux manière parfaites alors qu'elle tendait la main à son interlocutrice.
"Accordez moi cette danse, laissez vous aller et vous verrez que cette soirée vous appartient, à vous aussi."
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Mar 14 Juin - 22:57
