Rigueur, effort, concentration, persistance. Rigueur de l’esprit, effort de l’âme, concentration du mental et persistance dans l’effort, la rigueur et la concentration. C’est comme ça que j’en suis arrivé à mon poste, et je tâche d’enseigner ses valeurs à mes élèves, même les plus récalcitrants, même ceux du fond de la classe, qui s’en fiche de savoir par quel bout se tiens une épée, comment former une garde ou bien se défendre face à un adversaire explosif. Sauf que cela va changer, car j’ai décidé de prendre toutes les fortes têtes, et de les mater.

Tous en même temps, oui oui. Pas de chichis, pas de subtilités, je les prends tous un par un, à la loyal, ou tous en groupe, s’il le faut. Conscient que la force brutale et opposés à une volonté de glander plus forte que la peur que j’inspire, n’est pas forcément le meilleur moyens d’arriver à mes fins, j’élabore une stratégie simple ; La démonstration par l’exemple. Prenez le meilleur, mettez le avec le pire, et agitez le shaker. Normalement les résultats devraient être là, mais après tout, mes méthodes pédagogiques ne sont pas de tous les goûts.

Après, je suis certes extrême, je pousse souvent mes élèves dans leur retranchement, mais la moindre erreur sur le champ de bataille, peut vous couter la vie. Autant assurer ses arrières dès la formation.  C’est dans ses jeunes années que l’on perd le plus ses mauvais reflexes, et que la faculté d’apprentissage est plus grande. N’allez pas demander à un vieux comme moi de faire entrer dans sa caboche, comment faire un baume apaisant à base d’herbes et de plantes. Ca ne rentrera pas déjà, et puis ce savoir ne me semble pas suffisamment utile pour m’y attacher. En revanche, cautériser une plaie, c’est dans mes cordes, à l’ancienne, les fers rougis par le feu à la main.

Trêve de palabre, l’idée est donc d’organiser des cours de rattrapages obligatoire pour les élèves n’ayant pas la moyenne, sur leur temps libre, pendant des vacances ou des week-ends, car les monstres ne dorment jamais, et que les terres sombres sont toujours à la recherche des proies les plus faciles. Corrompre, détruire, salir, obscurcir, voilà les seules choses que l’ombre grandissante à l’ouest connaît.

Le stage intensif est donc un passage obligé pour tout ceux qui ont choisit mon cours, mais bien entendu, mettez des cancres entre eux, et ils vont se sentir puissants, dans leur bon droit de foule hagard au regard flegmatique et presque déjà mort pour moi. Alors j’ai décidé de sortir mon va tout, et d’inviter en grande pompe l’une des premières élèves de la promo, une vaillante et rigoureuse combattante, pour jouer les fins psychologues.

- Bonjour Lucifer, merci d’être venu. Toujours respecter tout le monde, même ceux qui sont plus bas dans la hiérarchie, il paraît que c’est le secret pour gagner celui des siens. Installe toi là, le cours va bientôt commencer, les autres ne devraient pas tarder à arriver. Comment te sens-tu aujourd’hui ? Pas de chichis, pas de subtilité, le parler vrais d’un né paysan, d’un roturier talentueux dans l’art de faire la guerre. Je lui désigne du menton le siège derrière moi, tandis que mes bras sont toujours absents de son champ de vision, bien planqués derrière mon dos. On peut croire que c’est le port sévère d’un militaire de carrière, mais après on peut croire ce que l’on veut.

J’entends déjà les rires et les moqueries, les paroles presque hurlée à tue tête, comme pour se rassurer de la suite, qui se pointent  de l’autre côté du couloir du chaudron. C’est mon quartier, ma salle de cours. Un cercle concentrique, une piste comme un manège à chevaux, mais dont le sable battus rouge est beaucoup moins agréable au toucher. Sur les murs, se tiennent d’habitude des armes en tout genre, surtout la traditionnelle épée et la célèbre lance. Se masse maintenant devant Lucifer et moi quelques individus triés sur le volet, tous défaillants dans ma matière. Pas que ce soit la plus importante, mais quand c’est une question de survie, je me répète, on peut faire un effort c’est mon avis. L’air sévère, je tourne le dos à Lucifer, mes doigts croisés de manière alambiquée, et mes bras comme tendus dans un mauvais sens.

- MESSIEURS, DAMES, sachez que si vous êtes ici … c’est mauvais pour votre matricule dans ma matière. Sachez que si vous êtes ici, vous allez en baver. Sachez qu’en entrant ici, vous avez déclenché une série d’évènement qui va vous forger, et vous changer, et peut être vous mettre en danger. Rappelez-vous que l’équipe enseignante sait ce qu’elle fait, et qu’elle a carte blanche pour faire de vous des individus digne de ce nom, et de l’Empire. Ca, c’est pour le couplet prévention, et pour la propagande. Vous qui êtes entrés ici, n’avez-vous pas en mémoire la première leçon que je vous ai apprise ? L’observation. Une observation minutieuse du lieu, des gens, des possibilités de fuites, des retraites que l’on ne voudra pas emprunter sous aucun prétexte ?

Je souris devant l’air goguenard ou surpris, ébahis qui se loge sur les visages. Fils de nanti, ou d’une noblesse d’argent, d’épée ou de sang, ils n’ont pas l’habitude de devoir faire des efforts, ou bien ont-ils désappris.  Avez-vous observez avant d’entrer ? Je lève les yeux vers le plafond, imité par tous à présent tant je suis insistant.

- Eh mais c’est quoi ce truc là dans le plafond ?! Fait une voix, et je relâche mes bras simplement, les descendant jusqu’à mes hanches, les deux mains comme les oreilles de mon buste, avide de peur et de sueur glacée. Un peu moins de cent épées tombent du dôme en verre qui surplombe le chaudron,  se plantant dans le sol à mesure que les élèves tentent d’esquiver, je me tourne vers Lucifer avec un sourire dangereux, et craint par sa simplicité, sa bonhomie. Après cela, tu feras ton entrée en scène.

-MESSIEURS, DAMES… Le cours a commencé ! Première étape, un jeux du roi ! Deux équipes, la vôtre, contre celle de Lucifer. Vous avez carte blanche, impressionnez moi … Que je fais par-dessus le vacarme des dernières épées qui se plantent.

Si je ne viens pas de leur donner presque une centaine de raison de gagner ce duel, c’est que je suis un mauvais prof. Après tout, c’est mon cours, mes lois.