Ma vie n'est pas ce que l'on communément appeler "digne d'un roman". Pour être même totalement franc, elle est possiblement ennuyante et passablement oubliable. N'y voyez pas là une tentative de ma part de faire monter une larme ou un semblant de pitié, juste une preuve de sincérité. A force de côtoyer des personnes aux destins fabuleux, j'ai parfois l'impression que ma vie n'a été qu'une longue succession de jours où des erreurs de ma part n'ont servi que de ponctuations entre chaque semaines. Les dieux savent que j'ai fais de nombreuses erreurs, et en fera probablement beaucoup encore. Pourtant, malgré toutes ses ponctuations, je n'arrive toujours pas à reprendre ma respiration.

Je suis né dans une famille anciennement noble. De cette noblesse, n'ont n'avons gardé que des liens d'amitiés et la particule de notre nom. Nous n'avons pas perdu nos terres suite à un massacre, à une traîtrise ou une injustice. Nous les avons juste.. Perdues. L'histoire date déjà d'il y a plusieurs générations et je préfère autant ne pas la citer, de peur de répéter une histoire déjà sûrement bien modifiée. Tout ce que je sais, et possède la preuve de la véracité, c'est que nous n'étions que de la petite noblesse. Je pense simplement que si, un jour, nous avons put manger à la table des grands, notre séjour n'a été que de courte durée. Et que dans cette cours où chacun essaie de se hisser socialement, nous n'avons juste pas su tenir la dernière place. Certaines personnes de ma famille en éprouve une forme de rancœur mais, dans l'ensemble.. Je crois que tout le monde s'en fiche maintenant. C'est incroyable ce que la menace de voir l'humanité s'éteindre peut parfois faire relativiser sur la futilité d'un nom.

Si la noblesse nous a échappé, certains traits sont restés. Elevé par la mère d'un autre, j'ai partagé et partage encore très peu de liens avec mes parents. Pas par haine ou ressentiment. Nous n'avons juste que peu en commun si ce n'est le sang. Ma nourrice m'a raconté une fois qu'elle savait depuis longtemps la teneur de mon pouvoir, là où mes parents assurent à qui veut bien l'entendre que la première apparition de ceux ci ne se firent que lorsque j'ai manqué de tuer ma grand mère avec le tapis de l'entrée. Une longue histoire mêlant une ancêtre au mots tranchant et une bombe tellurique vivante en crise d'adolescence. De ce qu'elle me disait, ma nourrice, je passais mon temps à me reborder moi même lorsque j'étais encore tout petit. Faisant remonter la couverture sans même me réveiller, sans même bouger les bras. Juste un froncement de sourcils, un frisson et le duvet remontait.

Lorsque mon âge grandit, nous avons tous peu à peu compris que mon besoin de dépense magique n'était pas juste liée à un simple surplus d'énergie. Le problème était plus lourd, viscéral. Et même si plusieurs médecins se sont penchés sur la question, la seule solution qui me fût offerte fût de me dépenser chaque jours. Faire des tâches répétitives et inutiles, juste pour relâcher la pression d'un barrage qui risque de céder à tout moment. C'est aussi à ce moment que nous avons commencer à envoyer des lettres à l'académie. Sans réponses positives pendant un long moment. Pour être franc, à ce jour, je ne sais toujours pas si ce sont les multiples années d'affilés, l'essence magique phénoménale en moi ou bien le soutien de quelques familles nobles qui m'offrirent finalement accès à la Cité-Etat.. Ou bien si tous y ont joué un jeu. Mais à l'année de mes vingt-ans, j'y ai finalement posé les pieds. C'est la dernière fois que j'ai vu ma famille d'ailleurs, maintenant que je viens à y penser. Nous nous envoyons des lettres ici et là mais jamais nous n'avons soulevé la question de se voir. Et je crois que cela ne manque à aucun des deux partis.

J'y ai sûrement passé les cinq meilleurs années et à la fois, probablement les plus dures de ma vie. Comprenant l'immense privilège de pouvoir étudier ici, j'y ai plongé toutes mes forces et toute mon énergie. Autant par respect que par soif de savoir. Sûrement même avec une grande part d'envie de découvrir la bénédiction/malédiction affligeant mon être. Sans réel succès, à mon plus grand regret. Et même si mon professeur d'Histoire vous dira sûrement le contraire, j'étais un élève assidu et brillant. Sans me vanter évidemment. Mais passer l'apprentissage en cinq années est un exploit en lui-même. Si l'on met de côté certaines têtes rousses voulant faire mieux et se débrouillant en trois. .. Quatre .. Trois. Je ne me souviens plus et je ne compte pas lui demander. J'ai déjà du mal à me souvenir combien de i possède son prénom.

En raison de mes résultats, ma passion et ma nette envie de rester, ma candidature au poste de professeur de magie fût déposée le jour même de la remise de diplôme. La lettre d'embauche, elle, arriva le lendemain dans ma chambrée que je commençais à peine déloger. Sans plus de procès, j'ai simplement accepté et dirigé mes sacs vers un autre couloir.
La première année d'enseignement fût étrange. Peut-être même un peu difficile. Côtoyer des gens étant autrefois des camarades et supérieurs, devenus élèves et collègues, a quelque chose de perturbant. Comme si une comédie devait désormais se jouer, celle où je dois prétendre que je mérite le respect de ceux qui riait avec moi de farces de couloir l'année dernière encore.
C'est au bout de deux ans que la seconde offre d'emploi est tombée, suite à la retraite d'un senior. Même si je fût surpris de celle-ci, je dois bien avouer sans me vanter que s'ils n'avaient pas songer à moi, j'aurais presque douter de leur méthode de recrutement. Oh.. Faites pas cette tête. Un peu d'égo de temps en temps n'a jamais fait de mal à personne. Et puis, c'est dans des mémoires que personne ne lira alors, à qui ça peut faire de mal si j'essaie juste de voir du bon dans ce que je suis pour une fois. Je passe suffisamment de temps à me traiter comme un danger pour les autres. Laissez moi rêvé d'être surqualifié pour mon travail.

Mon rythme de vie commence désormais à se poser, comme si une douce routine s'installait avec la douceur d'un manteau de neige. Je comprends peu à peu l'espace de lassitude de certains collègues sans pour autant la partager. Si certains semblent traiter chaque années et chaque nouvelle tête comme un nouveau troupeau que nous oublierons dans quelques années, j'essaie de les visualiser comme autant de nouveau membres d'une grande famille. Parfois imparfaite, parfois dure. Mais possiblement capable d'ajouter quelques virgules dans mes jours. Quelques moment où, juste l'espace d'un cours ou d'une conversation, l'insipidité des heures prend le goût d'épices.