La fontaine ruisselait de ses flots argentés, offrait sa fraîcheur à ceux qui daignaient la regarder. Une ribambelle d'enfants jouaient à ses pieds et leurs cris couvraient avec peine le gloussement de l’eau, ils étaient indissociables par leurs mines cendrées et bronzées par ce soleil de plomb.

Oui, c’était un jour d’été, un jour bien gentil. Il n’existait aucun signe prédisant la fin du temps d’innocence, cela arrivait comme l’orage déchire le ciel de sa main colérique.
L’enfant était là, ses pieds étaient léchés par la tendre fontaine et d’une main affairée, la fillette tirait les pièces coincées dans les dalles. C’était un travail de longue haleine et l’une des rares façon qu’elle avait trouvé de subvenir à ses besoins, elle n’avait que 5 printemps et déjà le sens économique avait  déjà pris une place prépondérante dans son existence.

Chaque jour n’était qu’une façon de tirer sa vie, repousser la faim inévitable qui la guettait à chaque croisée de chemin et soupirer quand une fois le soir venu, son petit corps fourbu s’étendait sur la paillasse partagée par ses nombreuses sœurs. Sa mère n’aimait pas cette aînée, fruit d’un droit de cuissage qu’elle n’avait pas combattu et qu’elle voyait évoluer avec désintérêt. Ainsi était elle cette existence pathétique qu’on nommait Libitina, ou Libi, ou Lili, ou rien.

On la sifflait bien plus qu’on lui parlait à cette pauvresse. Mais cela lui allait bien assez car quand elle venait à la fontaine, et que ses yeux mauves se posaient sur cette place enveloppée de soleil où les va-vient constants régnaient, elle se sentait heureuse. Elle chantait ses plaisirs, sans se soucier qu’on s’arrêtait pour l’entendre, sans se soucier de cette robe mouillée enroulée autour de ses jambes. Et voilà que ce jour maudit, elle n’eut pas le temps de chanter qu’une femme lui prit le bras et d’une voix ne souffrant aucune contradiction annonça :

“C’est elle”

Et Libitina vit pour la première fois la poigne du destin autour de son cou.

+Née Libitina d'une mère nettoyeuse de cuir et d'un père inconnu, elle est la première née de cette femme.
+ L'enfant se revêle très tôt être particulièrement indépendante et débrouillarde, récupérant de sous dans les fontaines et proposant ses services comme ramomière de cheminée. Elle chante très souvent, récupérant certains sous avec ses répresentations
+Repérée par la nourrice d'Isidora de Castel, elle a été achetée par la famille pour servir de servante et suivante à la jeune fille du fait de sa ressemblance quasi parfaite avec la jeune noble.
+Très vite les deux petites filles malgré un début d'existence totalement opposé deviennent des grandes amies et partagent beaucoup plus qu'un rôle de servante et maîtresse, petit à petit les deux enfants commençent à échanger leur place et Isidora vient à enseigner l'art de la lecture, l'écriture, des manières nobles à sa servante.
+Ainsi Libitina se retrouve souvent enfermée dans des salles de classe ou des soirées mondaines pendant que la vraie Isidora en profite pour s'amuser et vivre une vie de bohème. La rancoeur de Libitina commence à naître, voyant à quel point malgré sa naissance pauvre et son manque de sang bleu, elle se comporte et connait bien plus de choses sur la noblesse que sa maîtresse.
+Isidora étouffe très vite les velleités révolutionnaires de Libitina lui rappellant que si elle venait à se détacher d'elle, tout le monde saura qu'elle a dupée les De Castel. Et qu'Isidora pourra punir sévèrement l'impostrice.
+Libitina a ainsi passée les examens pour l'Académie à la place d'Isidora et remporta la place haut la main, car Isidora craignait que son insuffisance et son inculture puisse souiller ses chances de reussite. Personne n'avait jamais douté qu'il y avait deux Isidora, le secret de l'apparence de la servante attitrée d'Isidora était gardé uniquement par la nourrice.
+Le jour du départ pour l'académie, Libitina poussée par la jalousie, le désespoir et le désir d'une meilleure vie empoisonna celle qu'elle considérait comme sa meilleure et seule amie, pour prendre défintivement sa place. Faisant grand drame de la mort de sa servante favorite, elle fit hâter son enterrement pour que personne ne remarque son visage.
+2 ans après, elle empoisonna la nourrice, la seule au courant du secret des deux Isidora.