Avant même sa naissance le destin d'Antigonos était scellé, dans son âme et dans sa chair la soumission s'était immiscée. Quand on est issu de sa famille, la vie nous dépossède de notre libre-arbitre et vide notre intériorité de toute sa substance. En effet Antigonos est un Péitharchie. Une maison millénaire dont les racines remontent jusqu'au temps de la grande union. Une famille qui en tout temps s'est donnée comme mission de servir les grands de ce monde. De par leurs arts et leurs pouvoirs, les Peitharchie forment des servants de choix pour tous ceux qui désirent gouverner cette terre. Au travers de l'Histoire, ils ont accompagné les nobles dans leurs héroïques desseins, se mettant au service de ceux qui furent assez futés pour s'approprier  leurs compétences.


Toutefois malgré l'ancienneté de sa famille, Antigonos a commencé sa vie dans une grande précarité économique. Sa mère, paysanne sans histoire à la vie prosaïque, est morte en lui donnant la vie. Son père, un piètre mage à la solde d'un aristocrate tout aussi médiocre fut durant une bonne partie de son existence, sa seule et unique famille. Son géniteur qui se prénommait Aléxandros  était en effet le dernier descendant encore en vie de sa lignée. Quand Aléxandros était arrivé à la tête des Péitharchie, le déclin de cette famille était déjà consommé depuis belle lurette. Cela faisait bien longtemps que cette maison ne produisait plus que de pitoyables mages, incapables d'égaler la grandeur de leurs aïeux. Logiquement, le père d'Antigonos plaça de grandes espoirs sur sa descendance, espérant dans son for intérieur qu'il serait celui qui restaurait le prestige de cette auguste maisonnée. Mais pour ce faire, il fallait inculquer à Antigonos les valeurs de servitude et de rigorisme propres à ceux qui se font appeler les Péitharchie.


Façonner la chair et l'esprit, cela demande une discipline de fer. Dès sa naissance, le garçon fut soumis à la diktat de son paternel, qui lui imposa en toute circonstances d'obéir à ses ordres et lui implanta dans sa tête, une idée fixe et simple : il était né pour servir.  Chaque manquement à ses devoirs fut sévèrement réprimé par une pénitence.  Les humiliations physiques et morales pleuvaient en orage. Bien sûr face à cette tentative assujettissement, l'esprit réagit, ne se laisse guère malmener et tente inévitablement de s'émanciper de cette emprise. Mais la jeunesse d'Antigonos et la faiblesse de sa psyché atténua cet effet, de telle sorte à ce que sa rébellion  ne prenait que la forme  de rares sursauts éphémères de lucidité.

Evidemment son éducation ne se limita pas à cet excès de discipline, Le petit être fut aussi formé personnellement par son père aux rudiments de la vie de domestique, toutes les compétences et connaissances nécessaires à sa fonction de futur serviteur lui furent apprises. Dans ce domaine-là, les Pleitharchie possèdent un savoir-faire inégalé, qui par des jeux de génération, se transmet inéluctablement.

Cependant toute sa formation serait bien inutile si elle n’avait pas des applications pratiques.  La vie d’un domestique ne vaut pas un cheveu s’il ne fait pas ce pourquoi il est né, servir. Alors qu’Antigonos s’était cantonné de regarder son père obéir au maître qu’il s’était choisi durant les treize premières années de son existence, il fallait maintenant que lui aussi se trouver un noble à appuyer. La préadolescence est l’âge à laquelle les premières responsabilités surgissent.

Vu la faiblesse de la renommée de sa famille, le petit être n’avait pas vraiment l’embarras du choix. C’était Aléxandros qui quémandait auprès des familles aux sang bleus pour qu'il daigne accepter son fils comme page plutôt que l’inverse. Mais à force de courbettes et d’éloges pompeuses, il put trouver une maison suffisamment miséricordieuse pour accepter la présence d’Antigonos en leur sein : la famille Chryso. Elle n’était pas la plus prestigieuse des multiples maisons de nobles qui constellent le territoire de l’empire d’Aelyria mais elle possédait une bonne implantation dans l’armée et ses mages avaient été formé dans la célèbre Académie d’Aelyria. Un bon début de carrière en somme pour le serviteur des preux monsieur et des nobles dames.


La tâche principale d’Antigonos au sein des Chryso fut d’assister un des fils de la famille, un petit blond aux traits angéliques et à la verve harmonieuse, Karia de son prénom. Toutefois bien loin des apparences de gentillesse, Karia était un vrai démon aux appétences tyranniques et autocratiques. Par ses actes et ses faits, il fit vivre à Antigonos un enfer durant les années où le Pleitharchie fut à son service. Brimades et humiliations eurent le don d’accentuer encore un peu plus la soumission qui s’était implantée dans la psyché.

C'est à ce même moment que ses pouvoirs commencèrent à apparaître, conséquence inéluctable de sa condition, ses dons ne pouvaient que se teinter de la couleur de la soumission. Sans véritablement transcender l'espace et le temps, sa magie avait la propriété de dépasser en puissance celle de son géniteur. Face à pareil potentiel, il fallait bien former le jeune homme aux us et aux coutumes des arts des arcanes. Dans un monde où la magie règne en maitresse, ne pas développer ses capacités serait un crime de lèse-majesté et tous en étaient bien conscients. Que cela son père ou bien la famille dans laquelle il servait en tant que page.

C'est donc logiquement qu'il entra à l'académie d'Aelyria.